80 millions FCFA, c’est le montant qu’un promoteur immobilier du nom de Dao Edouard, gérant du Groupe « Taï », confesse avoir remis, pendant son audition, à certains responsables du ministère de la Construction, pour lever une servitude qui frapperait, selon ces responsables en question, une parcelle dans la zone de Songon, bourgade située à la périphérie d’Abidjan, précisément de Yopougon. Sauf que cette parcelle fait partie du patrimoine foncier de Audoin-Santé sur laquelle depuis bientôt un an, Logon Blanchard, le Chef du village de Audoin Santé, avait déjà obtenu un arrêté n° 20-00061/MCLU/DGUF/DU/SDAPU du 27 avril 2020 portant approbation du plan de régulation du lotissement dénommé « Terre promise-Audoin Santé ». Et cela, par les soins des mêmes responsables dudit ministère. Et depuis que cette somme a atterri dans les poches de certains responsables du ministère, plusieurs actes ont été pris pour bloquer les transactions sur ladite parcelle, pour finalement aboutir à la prise d’un arrêté en annulation de cet arrêté d’approbation par le ministre de la Construction le 22 avril 2021.
Une décision aux conséquences plutôt incalculées (?!)
Une audition, et 80 millions FCFA pour lever une servitude
Dans ce conflit foncier qui oppose la chefferie de Audoin Santé au gérant du Groupe « Taï », des auditions ont été faites le 21 janvier 2021 à la Préfecture de police d’Abidjan. Lors de ces auditions que nous avons pu consulter, le gérant du Groupe « Tai », révèle : «…qu’’alors que j’avais introduit des dossiers pour obtenir l’arrêté d’approbation du plan du lotissement « Baie des Princes » , le ministère nous a écrit pour dire que cette zone est frappée d’une servitude. J’ai dû payer la somme de quatre-vingt millions de FCFA (80.000.000 F CFA ) pour lever cette servitude ».
Qui sont ces responsables du ministère qui ont empoché les 80 millions F CFA pour faire sauter cette servitude ? La question reste posée dans son entièreté ! Dans la suite de ces auditions, l’opérateur affirme que Logon Blanchard,le chef, moyennant la somme de 5 millions de FCFA, lui aurait délivré une attestation de propriété coutumière sur la parcelle litigieuse en question, d’une contenance de 176 hectares. Laquelle parcelle est située entre la mer et le lac « Labion » de la « Baie des milliardaires », dans la commune de Songon. Il affirme également que le chef aurait signé un autre document demandant l’avis favorable du maire de la commune de Songon, dans le cadre de son projet. C’est donc muni de ces différents documents qu’il a introduit une demande d’approbation sur le lotissement qu’il a baptisé « Baie des princes ».
Sauf que dans ces mêmes auditions, le chef du village de Audoin-Santé, Logon Blanchard, dit n’avoir jamais délivré un quelconque document au gérant de Groupe « Taï». Bien au contraire, le chef accuse l’opérateur économique, d’avoir usé non seulement d’une fausse attestation villageoise, mais d’avoir falsifié sa signature pour l’apposer sur les documents en question. Comment faire la lumière sur cette situation ?
Par ailleurs, comment démêler l’écheveau en démarquant le faux du vrai document ? Par réquisition du Procureur près du Tribunal de première instance de Yopougon, les services du bureau Afrique d’ « Expertises judiciaires et d’investigation », seront sollicités.
Un rapport d’expertise, des plaintes et un arrêté en annulation
Les conclusions de ce bureau livré par l’expert graphologue, Yao Koffi Bertin, le 5 février 2021, que nous avons pu consulter, révèlent que les signatures sur les documents brandis par le gérant du Groupe « Taï », n’ont pas été « tracés physiquement sur les supports desdites pièces mais ont été transférés et transposés par scanner. Les deux signatures sont similaires car les mêmes régularités et irrégularités du tracé se retrouvent aux mêmes endroits. »
De l’authenticité des empreintes de cachets apposés au bas des pièces en question, l’expert note dans sa conclusion que, ce sont « les résultats d’une création parallèle, d’un transfert par scanner, n’épousant pas la forme et le style de l’empreinte du cachet original. » L’original étant celui appartenant au chef du village Logon Blanchard. En français facile, on retient que les documents brandis par le gérant du Groupe « Taï » pour introduire sa demande de lotissement auprès du ministère de la Construction, seraient faux.
Le chef du village portera aussi plainte contre l’opérateur auprès du procureur de la République près le Tribunal de première instance d’Abidjan le 6 janvier 2021, pour « faux en écriture privée ». Une autre plainte pour les mêmes motifs contre lui est également déposée auprès du doyen des juges d’instruction près du tribunal de première instance de Yopougon, le 15 février 2021. Ces différentes plaintes suivent leur cours. Au niveau du ministère de la Construction , l’affaire était prévue passer en conseil de cabinet quelques jours avant la prise de l’arrêté en annulation de celui du ministre, intervenu le 22 avril 2021. Mais contre toute attente, le dossier aurait été retiré du circuit, empêchant tout exposé. Quel quidam aurait osé !
A l’Inspection générale !
A l’inspecteur générale, les responsables du village de Audoin-Santé ont, au cours d’une rencontre privée le 21 avril 2021, montré tous les éléments de preuve contenus dans leur dossier. L’Inspecteur général après avoir pris connaissance des documents qu’il n’avait pas en sa possession, selon ses dires, avait sur le champ, passé un coup de fil au directeur des affaires juridiques et du contentieux. Afin que la lumière soit faite sur ce dossier. Mais les deux responsables n’auront pas le temps de cette séance de travail que le lendemain du 22 avril 2021, le décret en annulation est signé par le ministre.
Une chose est certaine, le rapport complet de cette affaire avec tous les éléments de preuve de la partie qui conteste l’attribution de la parcelle à l’opérateur économique , sont dans les tiroirs de toutes les directions du ministère de la Construction. Mais certains plus proches collaborateurs du ministre Bruno Koné ont décidé de fermer les yeux sur ces éléments de preuve pour on ne sait quelles raisons. Enfin si ! L’opérateur affirme avoir versé 80 millions de F CFA au ministère de la Construction. Et pour ce montant, et pour certains proches collaborateurs du ministre qui auraient touché cette somme, les documents présentés par le gérant du Groupe « Taï », frappés de faux par les conclusions du graphologue expert, peuvent prospérer et amener le ministre de la Construction à prendre un autre arrêté en annulation sur la parcelle querellée. C’est que des espèces sonnantes et trébuchantes peuvent régler beaucoup de choses, y compris faire passer de trépas, à la vie ! Et ce, pendant que l’affaire est toujours en cours. Le ministre Bruno Koné ignore certainement tout de ce dossier et s’en remet sans doute au professionnalisme de ses plus proches collaborateurs !
Pendant ce temps, depuis le 30 avril 2021, un recours gracieux en vue de rapporter l’arrêté d’annulation de l’approbation du plan de régularisation qu’il a pris, a été porté sur sa table par Logon Théophile. Dans ce recours gracieux sur lequel un coup d’œil a été jeté, Logon Théophile a motivé son recours gracieux par, entre autre, le fait que « … l’enquête de l’inspecteur général ayant conclu à l’annulation de l’arrêté d’approbation n’a pas été mené de façon contradictoire et les requérants n’ont pas été invités à faire valoir leurs moyens de défense face à la forfaiture des demandeurs en annulation poursuivis pour faux avéré devant les autorités judiciaires…»
Puis de s’interroger dans le courrier « (… ) Le ministre de la Construction pouvait-il légalement annuler un acte régulièrement ou irrégulièrement pris, après une année ? » La question reste posée à l’attention du ministre ! Lequel devrait sûrement se demander la raison pour laquelle l’avis de la direction des affaires juridiques et du contentieux n’a pas été pris en compte dans ce dossier. Mais l’Inspecteur général qui, en réalité, a mené de bout en bout ce dossier jusqu’à obtenir la signature de l’arrêté en annulation de l’approbation du plan de régularisation du lotissement dénommé « Terre promise d’Audoin-Santé » ne devrait-il pas apporter un début de réponse à son questionnement ?
SOURCE/ENQUÊTEMEDIA
Assayie.net